L’aventure à la croisée des chemins 1/2

Que ce soit lors de migrations, de transhumance ou pour le commerce, l’homme a toujours eu besoin de se déplacer. 

Aujourd’hui encore on trouve de nombreuses expressions qui témoignent de cette activité: « tous les chemins mènent à Rome » ou « rater le coche » 

Les moyens de transport ont évolué: les progrès nous permettent d’explorer les planètes lointaines, de faire le tour du monde en avion sans escale et de battre chaque fois des records de temps ou de vitesse.

Contrepoint de ces avancées techniques on constate un besoin grandissant à un retour à une échelle de temps plus en osmose avec la nature. Le voyage à pied, à cheval ou à vélo est alors un moyen de se reconnecter avec un rythme plus à l’échelle humaine au plus près de la nature à l’occasion des vacances. C’est ce que l’on appelle le slow tourisme

Loin de tourner le dos aux nouveaux modes de transport, le nouveau touriste aspire à pouvoir utiliser plusieurs moyens de communication pendant un même séjour.

A l’occasion de la réouverture de la ligne ferroviaire Pont-Saint-Esprit-Avignon-Nîmes, nous vous invitons à déambuler sur quelques sentiers de l’histoire des routes à travers les siècles.

Délaisse les grandes routes, prends les sentiers.

Pythagore
Astronome, Mathématicien, Philosophe, Scientifique

PREMIÈRES VOIES DE COMMUNICATIONS

Durant les 2 premiers millions d’années de leur existence, les hommes vivaient en petits groupes, exploitant de vastes territoires de chasse et de cueillette. Les premières voies de communication de l’Histoire se résument donc à de simples sentiers façonnés par la nature.

Les sentiers façonnés par des humains, eux, existent depuis près de 10 000 ans, soit, en ce qui concerne nos contrées, dès le début de la sédentarisation. C’est alors l’avènement de l’agriculture et de l’élevage.

Le façonnage de ces chemins consistait principalement à l’aplanissement du terrain et à l’élagage. Ces travaux étaient faits sporadiquement par les utilisateurs eux-mêmes quand le besoin s’en faisait sentir.

L’utilisation d’animaux pour le transport de charges permet de diminuer le transport à dos d’homme. Le travois est une sorte de grand traîneau triangulaire de 3m de longueur, formé de 2 longs patins reposant au sol et reliés par des barreaux transversaux sur lesquels étaient entreposées les charges. Il est utilisé à partir de 3000 av J.C. La charrette à roue supplantera ensuite le travols. Les voies de communication ont alors dû s’adapter à ces innovations

Les premières roues à rayons et à jante sont arrivées vers 2000 av J.C. C’est alors que sont apparus les premiers moyeux. D’abord rudimentaires, ceux-ci ont peu à peu été améliorés pour diminuer autant que possible

LES VOIES ROMAINES

Rome à son apogée possédait un vaste réseau de voies reliées les unes aux autres, qui s’étendait sur plus de 320 000 km. L’Europe et certaines régions d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, de l’Écosse à la Mésopotamie, en passant par la Roumanie et le Sahara, abritent des vestiges de ces voies romaines.

La construction de ces voies a commencé aux environ de l’an 350 avant JC et s’est poursuivie durant environ 8 siècles. 150 000 km ont été aménagés, même si plusieurs  tronçons avaient été partiellement réalisés  antérieurement par les anciens occupants, comme signalé plus haut.

La construction a été confiée entre autres aux soldats qui trouvaient ainsi une occupation en temps de paix. Les autres tronçons ont été construits par les esclaves, les colons des propriétaires riverains et les prisonniers.

Contrairement à une certaine idée, seuls les axes principaux des voies romaines étaient pavés. Il n’y avait donc pas 150 000 km de voies pavées à travers l’Europe à la chute de l’Empire.

Le but premier de la construction de ces voies était d’y faire passer les armées romaines mais elles servaient également au passage des piétons, des animaux, et des chars à traction animale (bœufs ou chevaux).

Les voies romaines se caractérisent par une grande rectitude. Elles évitent également, au maximum, les zones marécageuses et les abords immédiats des cours d’eau.

La rectitude étant primordiale pour se rendre d’un point à un autre, un des problèmes principaux résidait dans les franchissements des fortes pentes pouvant atteindre quelque 20%, parfois

Pour gravir de telles pentes, des attelages de bœufs pouvaient être loués au bas de celles-ci afin d’atteindre le sommet. Dépourvues de freins dynamiques les descentes posaient encore plus de problèmes . Il arrivait donc qu’une deuxième voie soit construite utilisant un cheminement plus sinueux et moins pentu afin de limiter la pression et par là même la vitesse. En d’autres occasions, les bornes milliaires (voir plus bas) pouvaient être utilisées pour retenir les chariots avec des sangles de cuir.

Il existait 3 types de voies romaines :

–    Les via Publicae, voies publiques (grands axes) financées par l’Etat

–    Les via Vicinalae, voies vicinales, financées par les services publics, permettant de relier les gros bourgs entre eux

–    Les via Privatae, voies privées, financées par les propriétaires, reliant les domaines aux voies publiques ou vicinales

Le passage des cours d’eau pouvait se faire “à gués » sur une voie empierrée spécialement. Lorsque cela n’était pas possible on utilisait des bacs de transfert, des ponts de bateaux de manière ponctuelle.

Sinon les romains construisaient des ponts en bois ou même , sur les axes majeurs des ponts en pierre comme le Pont Julien, pont routier, à une intersection de l’ancienne Via Domitia, environ 5 km au nord de Bonnieux, dans le Vaucluse.

Tous les chemins mènent-ils à Rome?: La table de Peutinger

La table de Peutinger donne à voir l’immensité de l’Empire romain, et la puissance de Rome qui apparaît comme le centre du monde.

La table de Peutinger est une copie d’une carte romaine qui aurait été tracée au 4e siècle, notamment parce qu’elle inclut la ville de Constantinople, fondée en l’an 330. Selon les chercheurs, cette version serait l’œuvre d’un moine, qui l’aurait conçue au milieu du 13e siècle dans la ville de Colmar, située aujourd’hui au nord-est de la France. Découverte au 15e siècle, cette copie est alors léguée à Conrad Peutinger, savant et bibliophile allemand, dont elle a hérité du nom.

Si la table de Peutinger n’a a priori rien à voir avec les contours nets d’une carte contemporaine de la région, elle donne un aperçu de la vision qu’avaient les Romains de l’empire au centre duquel ils se trouvaient. Leur zone d’influence s’étendait de la Grande-Bretagne jusqu’aux Indes

Au premier coup d’œil, un observateur contemporain risque d’avoir des difficultés à comprendre cette carte. D’une longueur de 6,70 mètres, elle est très longue mais ne mesure que 35,5 centimètres de hauteur. En y regardant de plus près, des noms de lieux européens qui nous sont familiers apparaissent, notamment Rome à l’épicentre. Nous comprenons progressivement que l’Europe et l’Asie ont été compressées et réduites à un couloir étroit. Les cours d’eau tortueux semblables à des canaux sont en réalité différentes zones de la Méditerranée. Quant à l’enchevêtrement de lignes rouges parallèles, il s’agit d’un réseau de routes colossal.

LES VOIES ROMAINES EN GAULE

On attribue souvent aux Romains la construction de « voies romaines » alors qu’une grande partie de ces axes ont été réalisés avant ; les Romains les ont remis en état, les ont améliorés et les ont connectés entre eux.

Il faut souligner que les Romains n’étaient pas les premiers occupants des Gaules; des peuplades régionales celtes et gauloises existaient depuis longtemps sur ces territoires, qui ne constituaient pas une véritable nation. Des voies de communications existaient donc, mais de façon embryonnaire et très disparate, chaque peuplade locale vivant souvent en autarcie, donc sans besoin réel de déplacements sur de longues distances. Leur maintenance était souvent négligée, et elles n’étaient pas praticables en permanence.

Il existait déjà de grands courants d’échanges commerciaux entre les différents peuples de la Gaule. Pour que ces relations puissent avoir lieu, il était nécessaire de disposer d’un réseau de voies de communication

Après la conquête, les ingénieurs romains ne feront que reprendre dans leur grande majorité ces tracés, en les améliorant.

Via Domitia la première voie romaine en Gaule

Rome avait, aux alentours de -120, conquis le sud de la Gaule dans un but purement stratégique : annexer les territoires compris entre l’Italie et les provinces d’Hispanie. La première décision politique prise alors sera la création d’une route dont la construction fut supervisée par le consul Cneus Domitius Ahenobarbus. Il reprit en l’aménageant plus ou moins le tracé de l’antique voie héracléenne et de la route empruntée par l’expédition d’Hannibal. Comme c’était la coutume, il donna son nom à cette voie. La Via Domitia ou voie Domitienne est ainsi la première route construite en Gaule suivant un schéma organisé, dès -118.

Lugdunum, capitale des trois gaules

Bien que le développement global des voies romaines en Gaule ait débuté sous le règne de Jules César, c’est sous le principat d’Auguste qu’il va prendre son essor. Les travaux des grands axes de la Gaule furent ainsi confiés par Auguste, après son voyage en Narbonnaise en -27, à son gendre et conseiller privilégié Marcus Vipsanius Agrippa. Remarquable et talentueux administrateur, il choisit, pour des raisons d’ordre géographique, la ville de Lugdunum / Lyon comme origine de ces voies.

La via Agrippa désigne réseau des quatre grands axes de voies romaines en Gaule romaine mis en place par Agrippa au 1er siècle av. J.-C.

Sous l’impulsion d’Auguste, Agrippa aménagea une voie proche du Rhône mais accrochée autant que faire se peut au pied des collines. Cet axe passait par des points d’importance différente : Arles, Avignon, Orange, Montélimar, Valence, Vienne, Lyon ;

Cet axe fut complété par la Voie d’Antonin, sur la rive droite du Rhône, ou Voie des Helviens. Cette route faisait communiquer Valentia (Valence) avec Nemausus (Nîmes) via Alba, capitale des Helviens. Sur cette route se trouvait le village de «  Luco dunos » une bourgade qui rayonna comme une des plus importantes de la région et qui a donné le nom actuel de la ville située plus bas , Laudun. Si vous visitez ce lieux à environ 20km du Mas des îles vous pourrez apercevoir la porte charretière, son trottoir et son caniveau.

qu’est-ce que la construction “en hérisson”?

Jusqu’au début du IIe siècle, la construction des routes était toujours étroitement liée aux besoins stratégiques, notamment dans le commerce. À la fin de ce même siècle, 372 grandes voies traversaient l’Empire, sur une longueur de 77 000 km, 29 partaient de Rome. Certaines étaient pavées, d’autres en terre battue ou en graviers pilés. Les Romains mirent en place des techniques très avancées. Ils respectaient deux principes : s’adapter aux conditions locales et protéger les routes des infiltrations d’eau en alternant déjà plusieurs couches de matériaux et en bombant les surfaces. C’est la construction “en hérisson”

A Graveson (Bouches-du-Rhône) été 2015, un tronçon de la voie romaine d’Agrippa a été mis au jour lors d’une fouille préventive sur environ 200 m. D’une largeur variant de 5 à 8 m., elle présente une succession de strates qui témoignent de l’existence de plusieurs réseaux viaires successivement mis en place et entretenus sur un même tracé. Cette voie forme une patte d’oie avec un second chemin, dégagé sur son flanc occidental. 

Ce tronçon est constitué d’une chaussée centrale empierrée, dont les ornières témoignent du passage des chariots. Des trottoirs sont, de part et d’autre, destinés à la circulation des piétons. Au-delà, des fossés latéraux drainent les eaux et délimitent son tracé. 

Y avait-il des haltes sur la route?

Constructions et aménagements divers au bord des voies romaines.

  • L’administration romaine avait pris soin d’installer des « stations routières » le long des voies les mutationes  permettant aux voyageurs de se reposer et de s’abreuver. Il était également possible de changer de monture à ces endroits.
  • Sur les grands axes, il y avait une mutatio tous les 10 à 15 km.
  • Toutes les 3 mutationes, soit tous les 30 à 50 km, on trouvait un mansio, lieu d’étape bien équipé permettant d’y passer la nuit. On y trouvait une auberge, la tabernae pour se restaurer,  un service d’échanges pour les montures, maréchal ferrant et/ou charron pour l’entretien des véhicules ainsi que des locaux pour entreposer  les chars ou chariots et les marchandises transportées, l’annonae.
  • Signalons encore que la sécurité, que ce soit sur les voies mêmes ou dans les « stations routières », n’était pas garantie et que les convois voyageaient souvent groupés, accompagnés d’ « agents de sécurité » ou passaient la nuit dans des logements publics, les deuersorium.

Qu’est-ce qu’une borne milliaire?

Dans la Rome antique, les bornes milliaires étaient des bornes routières, en pierre, généralement en forme de colonne portant une inscription et destinées à marquer les distances sur le tracé des principales voies romaines d’Italie et des provinces romaines.

L’unité de distance utilisée sur les bornes milliaires, était de 1000 pas romains (d’où le terme milliaire) qui font deux enjambées, soit environ 1,482 km2. En Gaule une autre unité a été aussi utilisée : la lieue, d’origine très probablement gauloise ; c’est la raison pour laquelle les bornes gauloises sont dites leugaires .

De nombreuses bornes ont été réutilisées par la suite, comme support de fontaine, de croix ou comme colonne.

Le Mas des îles est idéalement situé entre les voies Antonin et Agrippa. Vous pourrez ainsi aller admirer par vous-même des vestiges gallo-romains: villae de Vaison la Romaine,théâtre d‘Orange, arènes de Nîmes ou d’Arles mais aussi retrouver quelques traces de ces routes qui témoignent de la maîtrise du génie civil de l’époque;

Je ne me demande pas où mènent les routes ; c’est pour le trajet que je pars.

Anne Hébert

Rendez-vous dans un mois pour continuer notre voyage dans le temps et découvrir d’autres anecdotes sur les routes…

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